Gwennaëlle Roulleau
Parcours
Compositrice, musicienne, artiste sonore
C’est avec la sensibilité du promeneur écoutant que très vite elle enregistre pour partager ces traces précieuses du vivant. Membre de la radio HDR (Rouen), elle produit des premières créations sonores suivant une ligne narrative poétique qui allie documentaire et musique.
La découverte de la musique électroacoustique ouvre de nouveaux possibles. Gwennaëlle Roulleau intègre la classe de composition électroacoustique avec Christine Groult à Pantin et obtient le DEM en 2011. Le corps sonore, la sculpture de la matière, le jeu sur la perception du temps, ou sur la révélation d’espaces sont des dimensions qui traversent son travail. Des compositions aux performances live en passant par des installations sonores, le propos s’exposera toujours dans une dramaturgie sonore.
Dans un monde trop bavard, elle revendique la nécessité du silence et de l’écoute. Et propose des œuvres qui porteront sur le silence, le presque rien. A l’opposé elle accueille avec plaisir le bruit, le parasite. Elle traite les sons comme des organismes vivants, en constante évolution, toujours ouverts au risque d’accident ou de plaisir. Sa musique mêle compréhension et sensation, sérieux et farce, anticipation et instinct. Son travail se situerait entre micro et macro, entre intime et politique.
Elle envisage toujours une création en écho à un réel. Un environnement, une voix, une équipe, une image, un soupçon.
Sa recherche sur la vibration, sur l’énergie, l’amène à dépasser le champ acoustique pour aller vers un domaine imperceptible par nos sens, le champ électromagnétique. Dans la curiosité de ces dimensions physiques, elle s’oriente vers la musique électronique, et travaille des dispositifs à travers des installations.
Avec le live elle développe le rapport entre le geste et le son, entre instantané et composition en temps réel. Elle joue avec des musiciens tels que Tristan Macé, Thierry Waziniak, Anaïs Moreau, Gaël Mevel, Jacques Didonato, Ramuntcho Matta ou Jean-Marc Montera.
Familière du théâtre et de la danse, de l’énergie du corps, elle s’oriente naturellement vers la scène. La scène ou d’autres espaces de jeu, car sa démarche l’amène à des projets in situ, notamment avec Tangible, depuis 2010 avec Chemin des Tortues jusqu’à aujourd’hui avec Points de vue, sur la centrale de Vitry. Elle collabore aussi avec Olivia Grandville, Sarah Harper, Dominique Dolmieu, Nicolas Goussef, Diana Trujillo.
La recherche sur le phénomène sonore se traduit dans des installations qui travaillent les interactions du son, de l’espace et du temps, à travers des dispositifs acoustiques et numériques (Taxi Brousse, La fourmi sur l’élastique, avec Florent Colautti, La véritable histoire de l’île Marquet – ENJMIN, L’Emoi sonneur, Fantômes). D’autres installations prendront une plus documentaire (L’espwar est un temps boisé / Friche Théâtre Urbain, Sillons avec Laure Bollinger , Expo Box avec Damien Chivial).
Enfin, elle compose pour la vidéo et le cinéma d’animation (l’Abbaye de Boscodon, d’Erik Lorré, U-Farm de Damien Chivialle, Fais voir le son, de 2DHD, La roulotte, de Tangible, Le goût de l’eau, film documentaire d’Isabelle Leparcq).
Ses projets musicaux sont présentés dans les réseaux de musique de création, alternatifs ou institutionnels, dans des théâtres ou sur des terrains à nommer. Ils sont relayés par la radio (France Musique, Deutschlandradio Kultur, Radio Grenouille, Radio Campus, Jet FM, La Radio parfaite – Festival Monte Carlo…).
Ils ont été soutenus par Césaré, Fées d’hiver, Lizières, Petit Bain, le CRD de Pantin, Artefact, Promusica.
Elle est membre des collectifs Tangible, Fées d’hiver, l’Emoi Sonneur.
Démarche
Ecoute, prise de son, intention
Je fais de l’écoute l’acte fondateur de mon travail, les microphones en point de départ du processus.
Que j’enregistre des objets, des instruments, des matières ou un environnement, je vais en chercher le potentiel poétique, ce qui pourra porter mon imagination. Dans la prise de son, je suis à l’affût de tout ce qui arriver, et surtout de la tâche, l’imprévu qui semble faire erreur. L’acte oriente l’écoute, l’oreille filtre, hiérarchise, nous sommes déjà dans la composition.
C’est le caractère organique, vivant, du son qui m’attire, son grain, son rythme, son bruit.
Dans l’objet qui n’a pas pour vocation première d’être sonore ou musical, je cherche en le manipulant son potentiel musical (texture, morphologie, dynamique, champ fréquentiel, structure temporelle).
Le son anecdotique (associé à sa fonction première) lorsqu’il est manipulé dans une intention musicale acquiert une dimension abstraite, musicale, poétique.
Le temps de perception sensible qu’est la prise de son est un temps de création.
Je pars donc de sources diverses : des objets que je manipule, les instruments de mes partenaires, l’enregistrement d’environnements naturels ou urbains, et de la voix.
Source, poésie, dispositif
Si j’aime l’origine acoustique du son pour son caractère vivant, je revendique la nature électronique de mon instrument. Je joue dans les principes électroacoustiques, avec le son des microphones eux-mêmes, des distorsions acoustiques et numériques et autres larsen, transforme le son jusqu’à le rendre abstrait, en changeant d’échelle, jouant du microscopique grain à la spatialisation pour recréer un espace, et dans le jeu une temporalité, ses battements, faire voyager le son dans l’espace…
Composition v.s. jeu au présent
L’improvisation ou la composition en temps réel m’importe pour le présent du jeu et la relation alors permise.
Lorsque je joue en live, le rapport entre la perception et mon intention détermine les phrasés que je vais élaborer. Un langage, avec son vocabulaire et sa grammaire, qui me mettra en relation avec les autres musiciens ou performeurs. L’enjeu pour que la rencontre soit effective étant d’élaborer un langage commun, une danse, un mouvement partagé.
La question du geste devenue centrale, je cherche à la développer à travers les dispositifs, de manière à trouver une dextérité comparable à celle de l’instrumentiste acoustique. Si je détermine un certain nombre de choses en amont, dans telle ou telle visée, la démarche d’improvisation s’enrichit avec la surprise. Chercher à retrouver ce phénomène, l’irruption dans l’espace, l’interruption dans le temps, le surgissement, l’événement qui va me faire basculer, momentanément au moins, dans un in-connu, dans une ignorance, qui mettra tout mon corps en éveil. S’offrir la disponibilité de jouer avec l’accident. Ou créer les moyens pour cela, avec un principe d’aléatoire ou en jouant avec les limites d’un dispositif.
Dans tous les cas, jouer en improvisant nous place dans une situation de survie (comment vais je m’en sortir vivant ?). Cela ne peut s’envisager sans prendre le risque de rater. On n’a pas le choix, il faut faire vivre le son.