Vibrer
Composition de Jean-Sébastien Mariage
sur une composition photographique de
Marie-Françoise Lequoy-Poiré
Jean-Sébastien Mariage : composition et guitares
Catherine Jauniaux : voix
Onde nautique La plupart du temps, mes réalisations ont fait l’objet de sonorisation musicale : pour “Visions”, une de mes premières installations, le compositeur Frank Giovaninetti avait composé en 1986 une fugue pour piano qui entrait en totale résonance avec le film vidéo sur les vibrations des moirages nés de la superposition de plusieurs trames.
Pour les installations et expositions suivantes, - Fait divers, Prométhée Déchaîné, Carrés induits-déduits-détruits, Ready-mades métalliques, Une Journée à la Ligne, Visions #2, un romantisme au fil du temps, - divers morceaux sélectionnés dans le répertoire des compositeurs les plus célèbres accompagnaient le parcours du spectateur, seulement le temps de l’exposition. Et aujourdhui, pour l’installation “Vibrer”, étude photographique des reflets dans différents ports, la tentation était grande de renouveler l’expérience de 1986, celle d’une mise en symbiose permanente de l’image et du son : la longue ligne d’un reflet dans l’eau pourrait se transformer en une sorte de partition. C’est ainsi que le compositeur Jean-Sébastien Mariage a accepté le défi de faire vibrer sa guitare et la voix de Catherine Jauniaux, tout en suivant les modulations de l’onde imprimée sur une bande de 4m de long... Expérience réussie, la vision de l’onde-ligne rejoint bien dans le temps, dans l’espace et dans la forme l’écoute de l’onde-son, et leurs vibrations se confondent ou se superposent. Lire la musique et entendre le dessin en même temps, c’est l’expérience que pourra faire l’auditeur-spectateur ou le spectateur-auditeur. Cet ensemble, présenté dans un coffret, constitue la pièce maitresse de l’installation Vibrer.
Marie-Françoise Lequoy-Poiré 2016
La musique de Jean-Sébastien Mariage se compose le plus souvent de matières abstraites qu’il utilise pour exprimer des formes atemporelles.
Son instrument de prédilection est la guitare qui lui permet de créer des outils sonores. L’enjeu de sa musique se situe avant tout au niveau de l’écoute. Trouver le sens d’un son en fonction de son contexte. Il questionne l’environnement plutôt que la mémoire.
La scène et la composition lui permettent d’explorer deux temps de création différents. Le premier, celui de l’immédiat, le second, à l’opposé, celui dont la durée n’a pas de limite établie.
Il est notamment membre du quintet Hubbub et de l’orchestre ONCEIM et se produit régulièrement en solo.
Il est ou a été interprète des musiques d’Eliane Radigue, Rhys Chatham, Stephen O’Malley, Eryck Abecassis...
Sa pièce « La Haine de la Musique » a été créée par l’orchestre ONCEIM durant le festival Crak (eglise Saint-Merri - Paris) et retransmise par France Musique. Il a participé à l’élaboration puis a interprété la pièce Morphème de Frederick Galiay qui a notamment été jouée au festival Présences Electronique (INA -GRM). Il est enseignant à la Philharmonie de Paris.
Né en avril 1955 à Bruxelles, Catherine Jauniaux débute en tant que comédienne à l’âge de 16 ans et participe à de nombreuses productions théâtrales en Belgique (Roland Topor...). Elle enregistre “Modern Lesson” avec Aksak Maboul à l’âge de 22 ans et poursuit ses collaborations.
Ses performances toujours passionnantes mêlent gravité et humour, exploration sonore et émotion, abstraction et mélodie. Elle s’inspire souvent de musiques traditionnelles (réelles ou imaginaires) du monde entier, mais reste davantage Frères Grimm que professeur d’ethnomusicologie.
Collaborations musicales :
Tim Hodgkinson, Heiner Goebbels, Tom Cora, Fred Frith, Zeena Parkins, Christian Marclay, ErikM, Phil Minton, Otomo Yoshihide, Louis Sclavis, Jean Pierre Drouet, Marc Ribot, Jean François Pauvros, Sophie Agnel, Ikue Mori, David Moss, Ted Milton, Barre Phillips..
Considérer une œuvre graphique comme partition.
Au départ, la composition photographique de Marie-Françoise Lequoy n’est pas conçue avec l’idée d’un propos musical.
Son format s’y prête pourtant car il peut se « lire » en suivant un déroulement de gauche à droite. De même, les titres Vibrer et Ondes Nautiques amènent déjà un lien au sonore. Partant de là, je me suis rendu à la source, là d’où vient l’image : J’ai visité un petit port de plaisance à proximité de Toulon dans lequel j’ai essayé de retrouver l’émotion qui a donné lieu à cette vision graphique. Les reflets de l’eau ont un rythme, les images qu’ils reflètent inventent des formes qui évoluent, et le port lui-même propose une musique perpétuelle. Pour mes compositions electroacoustiques, j’utilise souvent la guitare comme générateur de sons. Elle n’est plus forcement reconnaissable en tant que telle. Je la considère plutôt comme un outil qui va me permettre d’exprimer des textures, des épaisseurs, des vitesses, des profondeurs, des hauteurs, des distances... quasiment comme un élément plastique. Il m’est alors venu l’idée de l’utiliser comme un lien entre un contexte (le port / le format) et là où nous emmène ces reflets (les formes), qui seront représentés par la voix de Catherine Jauniaux. A chaque fois que la musique se mêle à un autre media, qu’il soit figé comme une photographie, un dessin, une sculpture, ou mouvant comme un corps, un film, j’essaye de lui donner une place qui ne serait pas seulement celle d’un accompagnement. Ne pas me contenter d’embellir l’œuvre mais plutôt de considérer la musique comme faisant partie intégrante d’elle, du tout.
Alors, j’ai n’ai pas pris cette partition dans son détail, mais dans sa globalité. J’ai suivi son déroulement mais j’ai pris quelques libertés. Le résultat est à considérer comme un aller-retour de l’un à l’autre, où ils s’alimentent mutuellement. Ni l’un ni l’autre ne sont justes ou prioritaires. C’est le tout qui doit l’être. Ainsi, l’un agit sur l’autre, la musique est guidée par les formes, qui sont elles-mêmes mises en mouvement par le son. Donner une temporalité à l’œuvre graphique, et une plasticité au son.
La composition musicale a été créée à l’aide de trois principaux éléments sonores : une voix, une guitare et le paysage sonore d’un petit port de plaisance.
J’ai utilisé la « musique » de ce port comme le papier qui recevra l’impression de l’œuvre photographique. Ce n’est pas elle que l’on regarde, ce n’est pas elle que l’on entend, mais sans elle, sans support, rien.
Il s’agit du format de l’œuvre, autant graphique que musical. Elle donne un cadre, Elle me sert d’étalon, comme d’un point zéro du son (ou le papier vierge), elle est le silence propre à ce lieux. La guitare a été enregistrée en plusieurs prises de son que j’ai ensuite superposées et/ou enchainées pour créer deux matières distinctes. La première est constituée d’une dizaine de prises. J’ai utilisé des arpèges atonaux, parfois étouffés, librement inspirés de la Espiral Eterna de Leo Brouwer.
Cette matière apporte le mouvement de l’eau, son aspect insaisissable mais pourtant si présent. Elle crée une dynamique.
La deuxième est constituée de deux prises. J’ai utilisé un Ebow (archet électronique) qui me permet de tenir un son sans que sa résonance ne faiblisse. Un tube en métal me permet de faire varier les hauteurs. Elle est, à l’opposé de la première, un fil conducteur, comme un cable qui tient le tout. Elle consolide l’ensemble et définie sa structure. La voix, constituée de deux prises, est l’action.
Elle s’inspire librement des lignes, courbes, boucles ou formes de l’œuvre graphique. Elle tisse des traits, rebondie, monte, descend... Les deux voix se mêlent, se croisent, se séparent... dessinent un chemin. Elle sont le contenu, elles représentent la vie, l’humain. S’ajoutent des impacts qui donnent une ponctuation et une masse grave qui stabilise le tout, comme pour souligner le cadre. Les sources sonores ont été utilisées sans aucun ajouts d’effet. Elles ont été traitées en prise directe. Les seules manipulations sont des courbes de volume et de spacialisation.
Jean-Sébastien Mariage